Analyse - Le rapport de la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur met l’accent sur les manques de l’école inclusive

Peu de parents le savent, mais il existe sur le territoire national 48 médiateurs académiques qui viennent en aide aux élèves, parents et enseignants pour résoudre les litiges les opposant à l’Éducation nationale.

Dans une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d’État a rappelé, sur la base des articles L. 111-1 et suivants du Code de l’éducation, que « d’une part, le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et, d’autre part, le caractère obligatoire de l’instruction s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à cet égard à l’État, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif ».

Mme Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de l’Éducation nationale, note que sur les 5 dernières années, le nombre d’enfants et de jeunes en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a augmenté de 19 %, et relève la progression de 35 % du nombre d’accompagnants sur la même période. À la rentrée 2021, plus de 400.000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire et 125 500 accompagnants étaient présents à leur côté. En 2021, ce sont 480 saisines relatives à des problèmes de scolarisation d’élèves ou d’étudiants en situation de handicap que les médiateurs ont reçues.

Elle alerte : « La plupart des réclamations concernent soit le manque d'AESH, soit l'insuffisance des horaires alloués à l'accompagnement des élèves. Deux situations qui peuvent conduire à une déscolarisation partielle ».

Une enquête réalisée par l’association TouPI (Tous pour l’inclusion) à la rentrée 2021 révélait que sur les 81 familles haut-garonnaises ayant répondu à cette enquête, 57 % seulement avaient témoigné que leur enfant avait une AESH à la rentrée.

Ces situations vont à l’encontre des préconisations de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) qui a attribué aux enfants des AESH. Ce manque d’heures d’accompagnement s’explique soit par des absences pour congés des AESH (en effet, il n’existe pas de personnel AESH remplaçant, comme c’est le cas pour les professeurs), soit par des démissions ou déménagements, soit par une pénurie de personnel pour occuper cet emploi.

/ Recruter plus d'accompagnants /

La médiatrice recommande de recruter plus d'AESH et de multiplier les structures d'accueil en milieu ordinaire. Il s'agit également de rendre la profession d’AESH plus attractive en améliorant leur formation et leur encadrement, en favorisant les contrats à temps plein et des emplois du temps moins morcelés, tout en veillant au remboursement des frais de déplacement s’ils travaillent sur plusieurs sites et en leur donnant également accès à la prime REP et REP+.

Sur un autre plan, la médiatrice recommande d’étudier tous moyens permettant de résorber le hiatus entre une autorité (la MDPH) qui notifie les moyens d’accompagnement, notifications créatrices de droit, et une administration (l’Éducation Nationale) qui doit mettre en œuvre ces notifications. La médiatrice propose de travailler sur l’anticipation d’accueil dans les établissements de l’enfant en situation de handicap afin d’anticiper les recrutements au niveau des DSDEN (Direction des sevices départementaux de l’Éducation nationale).

/ Veiller à une continuité d’aménagements entre la scolarité et les examens /

Le rapport soulève également le problème des discontinuités entre les aménagements préconisés et mis en œuvre durant la scolarité et les aménagements accordés ou effectivement mis en place pour les examens et concours.

Si le décret du 4 décembre 2020 a simplifié la procédure de demandes d’aménagements d’examens et concours, des difficultés sont encore constatées au cours de la période « transitoire » de mise en application des textes. Difficultés, notamment, lors de la rédaction des plans d’accompagnement personnalisé (PAP) pour les élèves atteints de troubles Dys, et certaines inégalités d’une académie à l’autre, d’un médecin à l’autre, d’un établissement à un autre ou d’un examen à un autre, etc.

/ Consolider le suivi de l’accompagnement et des parcours /

Ces inégalités ont mis en relief la nécessité de consolider le suivi de l’accompagnement et des parcours.

Même si les regards sur le handicap se sont transformés et que d’importants progrès ont été accomplis en quelques années, la médiatrice observe la persistance de certaines représentations et parfois une forme de méfiance de l’institution pour accorder des aménagements nécessaires lors des examens. S’agissant de handicaps invisibles, et notamment des troubles du langage (Dys), le soupçon s’installe rapidement et l’égalité de traitement est facilement invoquée pour motiver des refus d’aménagement (tiers temps, logiciels, correcteur orthographique, ordinateur personnel, etc.). Les aménagements de la scolarité et des examens sont prévus pour compenser la situation de handicap des candidats et visent à leur assurer des chances égales de réussite et non à leur octroyer des conditions plus favorables qui conduiraient à la délivrance d’un diplôme de moindre valeur.

/ Mieux impliquer l’entourage de l’enfant /

La médiatrice recommande enfin de favoriser la continuité des aménagements d’une année sur l’autre, en impliquant mieux l’entourage de l’élève dans la constitution des dossiers de demande, qu’il s’agisse des familles ou des équipes pédagogiques et éducatives dont l’AESH fait partie. C’est ce que dit la loi (article L. 351-4 du Code de l’éducation) : « Les parents ou les représentants légaux de l’enfant ou de l’adolescent en situation de handicap bénéficient d’un entretien avec le ou les enseignants qui en ont la charge, ainsi qu’avec la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Cet entretien a lieu préalablement à la rentrée scolaire ou, le cas échéant, au moment de la prise de fonction de la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Il porte sur les modalités de mise en œuvre des adaptations et aménagements pédagogiques préconisés dans le projet personnalisé de scolarisation prévu à l’article L. 112-2. »

Le nouveau gouvernement n’a pas attendu la publication de ce rapport pour avancer sur ce sujet lors de la deuxième réunion du Comité national de suivi de l'école inclusive. Le même jour, le ministre de l’Éducation nationale, M. Pap Ndiaye, et les ministres chargés du Handicap, M. Jean-Christophe Combe et Mme Geneviève Darrieussecq, ont défini quatre priorités à l'horizon 2022-2023 : « l'amélioration des conditions de travail des AESH », « l'évaluation des besoins des élèves, des accompagnants et des adaptations pédagogiques », la « nécessaire coopération entre les acteurs » et le « dialogue renforcé avec les familles ». Ils n’ont pas tardé à communiquer sur la création de 303 nouveaux dispositifs d'unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), 84 nouveaux dispositifs pour les enfants avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA) et de nouvelles unités d'enseignement pour les enfants polyhandicapés dont l'effectif n'a pas été précisé, ainsi que sur la création de 4.000 postes d’AESH à l’échelle nationale.

À l’échelle d’un département, combien cela représente-t-il ? En Haute-Garonne, ce sont 4-5 dispositifs ULIS qui ouvriront à la rentrée 2022. Sachant qu’à la rentrée 2021, malgré la notification de la MDPH, ce sont environ 300 élèves du second degré qui ont dû intégrer à temps plein une classe ordinaire faute de places dans ces dispositifs ULIS, mettant à mal l’enfant, sa famille mais également sa classe et ses enseignants.

L’école est actuellement incapable de répondre à tous ces besoins. L’école a besoin de moyens. Elle a besoin d’enseignants et d’AESH formés aux besoins de ces enfants, de ces jeunes à besoins éducatifs particuliers. Elle a besoin de ressources spécialisées. La réussite et l’épanouissement de tous les élèves en dépendent !